jeudi 27 février 2014

Du Père Noël et de la "race".

Cela peut sembler bien incongru, de parler dans un seul et même article de ces deux sujets apparemment bien distants.

Et pourtant, en terme de psychologie de la manipulation, on est en terrain commun.

Tous les enfants, dans les cultures chrétiennes ou baignées de chrétienté, renoncent un jour ou l'autre à leur croyance en ce personnage particulier qu'est le Père Noël.

Alors pourquoi ne renoncent-ils pas à la croyance en la "race" ?

C'est pourtant une croyance tout autant basée sur l'invention, l'imaginaire, que le personnage du Père Noël... Tous les adultes savent que le père Noël n'existe pas. Mais ils savent aussi que dans les cultures chrétiennes, il participe de la construction sociale et psychique des enfants. Le Père Noël apprend à obéir, à partager, à être gentil, à respecter les plus âgés, etc...

De même pour l'idée de "race": elle apprend des choses aux enfants...

Qu'apprend-elle ?

Qu'il y a des groupes humains avec des "rôles" particuliers. Que leur "apparence" définirait leur "caractère". Qu'un groupe humain défini comme "blanc" est supérieur aux autres, en particulier à celui défini comme "noir" de part sa supériorité intrinsèque, supposément contenue dans sa "blancheur" (donc sa pureté).

Mais contrairement à la croyance au Père Noël, la société raciste ne considère pas qu'il faut s'en défaire. Alors qu'il est tout aussi stupide en soi de croire en des "races" que de croire qu'un vieux monsieur vit au Pôle Nord et descend par les cheminées pour déposer des cadeaux au pied d'un sapin !

La société raciste ne se défait pas de la race, car elle est le moteur de nombre de ses appareils de contrôle social et politique. Elle l'est depuis l'avènement de la république, en France et aux Etats-Unis, par exemple. Elle sous-tend toutes les politiques de migrations, si importantes dans les sociétés capitalistes.
Concernant cet exemple, considérons le vocabulaire utilisé: quand un occidental (un "blanc") migre dans un autre pays, c'est un "expatrié". Quand un étranger (un "non-blanc") migre, c'est un "immigré". Même à travers le lexique, pour parler de la même chose, on a l'expression d'une "supériorité" implicite.

Alors, on peut en conclure que, comme pour la croyance au Père Noël, qu'on ne peut pas arracher d'un coup aux enfants, sous peine de les peiner, les rendre tristes ou les déstabiliser dans leur vision du monde, il faut aussi passer par une phase d'apprentissage de la vérité pour les adultes qui doivent se défaire de leur racisme acquis.

Si on les attaque de front, en leur affirmant la vérité: "les races n'existent pas", on risque de ne plus pouvoir partager quoique ce soit avec eux. C'est par le récit de faits, amenés les uns après les autres, des preuves de la non-existence des "races", qu'on peut atteindre ce but. C'est par la répétition, l'apprentissage de toutes les manières, qu'on peut le faire, tout comme les racistes ont pratiqué la répétition et la multiplicité des approches pour inculquer leur croyance.

Car un raciste ne supporte pas d'être confronté avec cette réalité traumatisante: il s'est en effet construit dans l'idée qu'il appartient à une "race". De même des gens qui n'ont à priori pas de propension à être racistes (comme les victimes du racisme elles-mêmes) peuvent se trouver déstabilisés face à l'affirmation de l'inexistence d'une référence identitaire (imposée) qui était la leur jusqu'à ce jour. Ce vide soudain dans leur définition d'eux-mêmes peut être vertigineux.

Il faut absolument trouver matière à leur reconstruire un monde, dans lequel ils ont une place qui n'est pas qu'absence. Il faut contrer le racisme avec une autre vision pour que les êtres humains qui se sont construits dans l'idée de race puissent doucement se percevoir autrement, concevoir leur appartenance au monde de manière positive et utile.

Tout comme les enfants continuent à vivre et deviennent matures en renonçant à croire au Père Noël.

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